La tension retombée, le sujet médiatique consommé, les intérêts politiques exploités, et les décisions judiciaires en parties annoncées, il me semble opportun d’effectuer un point sur cet épisode riche d’enseignements, déclenché par la révolte violente de certains taxis parisiens que l’on a appelé très pudiquement « grève des taxis ».

Je ne m’étendrai pas sur les violences employées, inacceptables, largement condamnées par le gouvernement d’une main et… fortement entendues de l’autre, mais j’aimerai ici essayer de décrypter la situation, et envisager la suite des évènements.

Travail « au noir » ?

Les revendications des organisations syndicales des taxis à l’encontre du système UBER POP, étaient principalement fondées sur le fait que ce travail était effectué « au noir » et échappait donc totalement à l’impôt (charges sociales et impôts sur le revenu). Cet argument lourdement repris par tous les commentateurs, et politiques ayant saisi l’occasion de s’exprimer, ne me semble que très peu recevable, et surtout cache la vraie question que soulève un business-model tel qu’Uber pop.
En effet, depuis déjà de long mois, UBER a adapté les conditions d’entrées pour les chauffeurs « amateurs » UBER pop et demande à chacun d’eux, de créer une entreprises individuelle de type auto-entreprise afin d’exercer l’activité. Évidemment chacun me rétorquera que cela ne change rien, et que de toutes les façons ils ne déclarent pas leur revenus ! Certes, c’est sûrement le cas, mais jusqu’à preuve du contraire, en France, et pour tous les systèmes d’entreprises, c’est bien sur la base du déclaratif que cela fonctionne ! Et que si nous sommes assez honnête, nous pouvons tous convenir qu’une (grande) partie des revenus des taxis, reste inconnue des services du fisc, car en effet le compteur horo-kilométrique des taxis n’enregistre pas le montant des courses…donc aucun relevé disponible. Sur ce point : 1 partout… Balle au centre !

La vraie question.

Le business Model UBER Pop, c’est quoi ? Pour simplifier c’est une activité organisée par un opérateur internet qui propose un service Very Low Cost suivant 3 principes :
  1. La collaboration de personnes à la recherche d’une activité à revenus « complémentaires » (non rentable pour le particulier si effectuée en activité principale)
  2. Le positionnement sur un marché aux professions réglementées, règlements qui entraînent des coûts de production assez importants.
  3. Proposer un tarif « cassé » attirant une clientèle à la recherche du « toujours moins cher ».
La seule question en jeu dans cet épisode sociétal est donc la suivante :
Doit-on continuer à réglementer certaines professions ?
et donc, sommes nous prêts, en tant que clients, à faire des concessions sur l’assurance d’un minimum de professionnalisme, de garantie de qualité grâce à un système forcément coûteux de formation et de contrôle ? Pour faire un parallèle avec le secteur de l’aérien, que je connais bien, cela revient à se poser la question suivante : peut on autoriser une compagnie aérienne purement internet à proposer au public, une application de réservation de vols sur un avion de tourisme détenu et piloté par un pilote « amateur » désirant arrondir ses fins de mois ? Ceci à des tarifs encore plus bas que les Low Cost actuelles… Car il y aura toujours des passagers prêts à monter dans un avion moins grand, moins sûr, moins rapide, mais moins cher…
Comme pour UBER pop, je n’ai pas la réponse, cela dépend encore une fois du niveau de professionnalisme, de formation et de contrôle que l’on est prêt à accepter.

UBER suspend son service UBER POP

Face aux violences et à une pression très forte des pouvoirs publics, les dirigeants d’UBER ont récemment annoncé la suspension temporaire, du modèle POP (UBER Pop et UBER compact). Ceci dans l’attente de la réponse prévue pour septembre concernant le recours posé devant le Conseil Constitutionnel demandant l’annulation de la Loi Thévenoud. Dans sa version actuelle, celle-ci est très claire : pour exercer le métier de chauffeur en transport particulier de personnes à titre onéreux, il faut posséder :
  • soit une licence de taxi
  • soit une carte professionnelle de chauffeur VTC
  • soit une carte professionnelle de « moto taxi ».
Au delà du système POP et de son business model, Il me semble donc légitime de se demander pourquoi après tant d’efforts à vouloir professionnaliser ce métier, et à combattre UBER POP, le régime des « capacitaires » permet toujours à un salarié d’une entreprise de transport d’exercer le métier de chauffeur avec un simple permis de conduire, une visite médicale, n’importe quel véhicule (contrôle technique annuel tout de même !)… et aucune formation, si ce n’est celle dispensée éventuellement par son patron, qui lui même n’a pas eu à passer une quelconque formation de chauffeur ?

Vers quel système pour les chauffeurs ?

Il me semble que sur ce point, la logique voudrait qu’il y ait une fusion des 2 systèmes (VTC et Capacitaire), aboutissant à l’obligation d’un diplôme de capacitaire pour tout dirigeant d’entreprise de transport de plus de 2 ou 3 chauffeurs, et une carte VTC pour tout chauffeur, qu’il soit employé par un capacitaire, ou pas. La mise en place d’un examen pour valider les formation VTC, prévue pour le 1er janvier 2016, montre bien la volonté d’un niveau de qualification minimum homogène pour toute la profession. De plus cela répondrait au flou juridique actuel qui faute de sanction prévue, permet toujours à des capacitaires de faire du transport particulier alors qu’ils sont sensés n’effectuer que du transport collectif.
Nul doute que des discussions sont en cours sur ce sujet complexe et que la réglementation n’a pas fini d’évoluer… A suivre !
A bientôt,
Drive Safe !